L’artiste montréalais Pascal Dufaux croise pour la première fois la performance. Sa dernière création, une sculpture vidéo-cinétique, est confiée aux mains de la musicienne Belinda Campbell, créant à cette occasion une association complice entre la musique et la machine.
La performance permet de mettre l’artiste face à l’œuvre et de renouveler ainsi la relation entre les deux. Que cela soit un face-à-face frontal entre le créateur et la création ou une invitation ouverte lorsqu’un autre artiste est amené à réinvestir l’œuvre, la performance déplace le centre d’attention : de l’œuvre, il glisse nonchalamment vers la figure de l’artiste. Ici incarnée par un artiste invité, la performance de Pascal Dufaux répond à l’appel collaboratif qui apparaît souvent au détour d’une performance, occasion rêvée de revisiter l’œuvre existante.
La sculpture de Pascal Dufaux a pris place dans la petite salle d’Espace Projet lors d’une soirée de performance organisée par 24Gauche. L’objet se tient, a priori, immobile et muet remplissant la définition attendue d’une sculpture. Pourtant, l’objet ne s’arrête pas là et vient trouver renfort auprès de l’art médiatique : il se dote d’un mécanisme qui permet de capter et retransmettre des images des lieux environnants en temps réel. La mécanique de l’image, très simple lorsque apprivoisée, donne pourtant à l’ensemble une allure robotique complexe. Projetant une image toujours mobile en arrière-plan, l’œuvre génère sa propre mise-en-scène, qui évolue lentement selon la rotation poursuivie par la caméra.
Dans ce décor cinétique, la performance trouvera rapidement son angle : l’artiste musicienne vient interagir directement avec l’image, dans un jeu de cache-cache et d’exhibition rythmés par la musique. Belinda Campbell joue d’une sanza, un petit instrument africain communément appelé piano à pouces. L’instrument dans ses mains, la musicienne évolue dans l’espace, se déplaçant selon l’angle de la caméra. Le corps humain prend possession de l’instrument optique autant que de l’instrument musical et se place au centre du dispositif. Les boucles musicales se doublent alors du mouvement de la musicienne elle-même, qui joue de son image retranscrite en arrière-plan.
Les instruments de Belinda Campbell viennent donner la tirade à l’œil de la caméra. Plus qu’une trame sonore, c’est la présence physique de la musicienne qui prend part à une chorégraphie avec la machine et l’image-miroir de la caméra.
Le cadre intimiste d’espace Projet et les effets hypnotiques de la lente rotation de l’image offraient à Belinda Campbell un contexte privilégié pour la performance. Elle évolue en un second temps vers une dimension plus introspective. Après avoir joué de son image, exacerbant l’esprit voyeur de l’œuvre, la musicienne se met en retrait avec un bandonéon. Statique, le corps de l’artiste laisse place à un spectacle contemplatif où l’image est davantage un paysage et la musicienne, une composante de celui-ci.

Rats de ville, décembre 2012